Delphine Deschaux-Dutard – German Studies Association conference 2024
L’aide financière accordée par le CIERA m’a permis de participer pour la première fois à la convention annuelle de la German Studies Association, qui se tenait à Atlanta du 26 au 29 septembre 2024. Cette association scientifique permet aux chercheurs européens et internationaux travaillant sur l’Allemagne te les questions allemandes de se rencontrer chaque année aux Etats-Unis, et de dialoguer avec une multitude de disciplines différentes (histoire, science politique, économie, droit, littérature, linguistique…).
Plus précisément, j’ai pu présenter lors de cette convention, qui se tient en anglais, une communication dans le cadre d’un panel franco-allemand constitué par Benjamin Pfannes, sur le thème collectivement choisi : Practicing French-German Military Cooperation: Evolutions and Adaptations in the Context of the Zeitenwende. Le panel rassemblait quatre historiens (Benjamin Pfannes, Yannick Pincé) et politistes (Jacob Ross et moi-même) français et allemands. Ma communication portait plus précisément sur le sujet suivant : « La coopération militaire bilatérale au concret. Une analyse de la « boîte noire » de la coopération militaire-franco-allemande avant et depuis 2022 » (en anglais : « Bilateral Military Cooperation in Practice. An analysis of the ‘black box’ of Franco-German military cooperation (before and since 2022)”). Ce papier visait à ouvrir la “boîte noire” des réseaux politico- institutionnels de la coopération militaire franco-allemande afin de mieux comprendre les processus et les acteurs institutionnels qui produisent le contenu des propositions bilatérales portée par Paris et Berlin au niveau européen en matière de défense, et de mieux identifier les sources de tensions et de difficultés au sein de cette coopération bilatérale dans le secteur militaire depuis le début de la guerre en Ukraine et dans le contexte de la Zeitenwende. Sur le plan analytique, l’analyse développée ici repose sur un croisement entre analyse des politiques publiques et sociologie de l’Etat, afin de comprendre pourquoi le moteur franco-allemand a longtemps plutôt bien fonctionné en tant que force motrice de la coopération européenne en matière de défense européenne, notamment en raison du réseau institutionnalisé de relations bilatérales. Pourtant, la coopération franco-allemande en matière de défense et son lien avec la dimension européenne semble s’être complexifiée depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine au point que l’on parle parfois de rupture, comme le font régulièrement de nombreux experts et articles de presse tant en France qu’en Allemagne depuis 2022. De même, les incertitudes autour de projets comme le FCAS et le MGCS notamment, ou l’irritation française autour de l’initiative européenne de bouclier aérien (ESSI) tendent à alimenter cette image de division entre Paris et Berlin. Le contexte géopolitique depuis 2022 y est évidemment pour quelque chose, mais des variables plus structurelles permettent de saisir les points aveugles de cette coopération militaire bilatérale fortement institutionnalisée : le fonctionnement institutionnel, ou boîte noire, de la coopération militaire entre Paris et Berlin, que j’avais pour objectif d’ouvrir dans cette communication pour mieux comprendre les points de blocage qui ont empêché la France et l’Allemagne de continuer à se présenter comme un moteur en matière de défense européenne ces dernières années, et plus particulièrement depuis le début de la guerre en Ukraine. Ainsi ma communication a tout d’abord examiné l’évolution de la pratique de la coopération entre les acteurs situés dans les capitales (chefs d’Etat et de gouvernement, Ministères des Affaires étrangères et de la défense), puis s’est penché sur l’articulation plus ou moins réussie de cette coopération avec le niveau européen depuis 2022. Ensuite, adoptant une focale plus micro et centrée sur les acteurs, ma communication a exploré les changements expérimentés par les deux types d’acteurs principaux engagés dans cette coopération bilatérale (les diplomates et les officiers) depuis 2022, afin de mettre en lumière l’importance de leurs ressources professionnelles et leur façon de les mobiliser face au changement du contexte stratégique.
La participation a cette convention a été très bénéfique pour agrandir mon réseau de recherche sur les questions franco-allemandes, et permet d’envisager de donner des suites à notre panel en s’appuyant sur le réseau de chercheurs français et allemands à l’origine du panel pour envisager la publication d’un ouvrage collectif, ainsi qu’une série de séminaires de recherche en 2025-2026. L’ouragan Hélène a malheureusement conduit de nombreux collègues à devoir annuler leur venue à la convention du fait de la suppression de nombreux vols les 26 et 27 septembre, ce qui a privé l’ensemble des panels d’un public conséquent. Notre panel a néanmoins pu bénéficier d’un auditoire actif avec lequel la discussion engagée était de qualité. L’aide du CIERA, en permettant aux chercheurs de mon panel de se rendre à Atlanta, nous permet ainsi d’envisager une collaboration scientifique franco-allemande stimulante pour les mois et années à venir.
Delphine Deschaux-Dutard
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
ciera2 (12 novembre 2024). Delphine Deschaux-Dutard – German Studies Association conference 2024. Les carnets de recherche du CIERA. Consulté le 17 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12nmk